Le foulard de ma grand-mère

A Teta » (تيتا)

À toi , que j’ai longtemps élevée au rang d’icône, rêvant de tes mains ridées, forgées par le travail et les batailles,
ornées de motifs en henné. Je me questionne sur ta vision de notre monde. Chaque jour, la violence s’insinue dans
les nouvelles. Où se cache la poésie ? Où trouver la légèreté ? Ne ressens-tu pas cruellement l’absence de ces
douceurs ?
Les fleurs se sont flétries, épuisées, comme nous, salies par tant de tourments. Leur parfum délicat s’évanouit,
noyé sous des fragrances amères qui affligent. Ce voile, enveloppant tes épaules, que tu chérissais plus que l’ombre
de tes cheveux noirs. Dans ce monde où la parole est risquée, faut-il rester muettes alors que nos cœurs appellent à
s’exprimer? Ce foulard, symbole d’une liberté bafouée, risqué par des femmes d’Iran. Dans cette ère où les mots sont
des armes tranchantes, devrions-nous taire nos aspirations, nos indignations ? Sommes-nous encore en droit de nous
révolter ? Je me souviens, Teta, de tes colères, de tes rires aussi, et de ce geste délicat accompagnant ton foulard,
porteur de ton essence et des traces de tes luttes, flottant dans l’air du Caire comme un hymne à la liberté.
À ta mémoire et à celles qui n’ont pas survécu.

Installation textile – Tissu fleuri vintage sur baguette de bois, 2024

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